La Biennale de l'Art Africain Contemporain

Ousmane SOW, sculpteur

Un morceau de sucre dans une assiette n’est pas de l’art 

Connu et reconnu comme étant une sommité de l’art visuel africain, Ousmane Sow donne son appréciation sur le lauréat du prix S.Senghor Ndary Lo et crie son désarroi pour  la culture en Afrique.

Vous venez d’assister au sacre de votre élève Ndary Lo qui avait été  déjà primé en 2000.  Quel effet cela vous fait-il ?

Ousmane Sow : Je crois en ce qu’il fait et je le suis depuis longtemps . Je crois aussi à la clarté de ses options. Il ira très bien . Il n’est pas connu qu’ici puisqu’il commence à exposer un peu partout. Je ne me fais pas de souci pour son avenir

Vous ne vous faites pas non plus de souci pour l’héritage que vous laissez à la jeune génération sénégalaise ?

C’est pour cela que chaque fois qu’il s’agit d’un bon travail sénégalais ou africain, simplement j’approuve. Même quand on ne me demande pas mon avis, je le donne

Que faut-il à un artiste avant que vous ne lui donniez votre onction ?

Il faut avoir de l’émotion et sentir le travail de l’artiste. Et vous savez que certaines personnes, qui n’ont jamais été dans une galerie, peuvent être émues devant une toile parce que celle-ci force l’admiration . Et pour vous autres avertis, c’est la force du travail .

L’imposition de l’installation est bien remarquable à cette biennale. Éprouvez-vous des craintes en ce qui concerne l’avenir de la peinture africaine ?

J’ai eu a présider des jurys et j’ai été confronté à des installations. C’est une manière de s’exprimer, mais ce n’est pas la mienne. Il y a des œuvres qui sont achetées et qui accrochent dans les installations, mais trop souvent, elles sont accaparées par des personnes qui ne veulent pas se donner de la peine. Mais, N’dary met de l’énergie et même du sang dans son travail parce qu’on est souvent blessé par le fer. Il y a des artistes qui pensent qu’il suffit de déposer un morceau de sucre dans une assiette blanche ou rouge pour dire que c’est de l’art. C’est faux et on doit dire que c’est grave .

Que pensez-vous du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) qui ne prend pas en compte la culture ?

Ce n’est pas étonnant. Il faut que l’Afrique sache qu’aux USA, les plus grands  contribuables ce sont les artistes. Et si le NEPAD ne prend pas en compte  la culture, c’est un projet mort-né. Il n’y pas de développement  économique sans la mise en place d’une véritable politique culturelle. Même si certains de nos dirigeants l’ignorent, le volet artistique s’imposera par lui- même ; l’art s’imposera par lui même. La chance que nous avons c’est que nous n’avons pas été élus . C’est le public qui nous a choisis . Donc, personne ne peut nous détrôner. Et nous n’avons pas à lécher des bottes pour revendiquer notre place dans la société.

Quelle surprise nous préparez-vous, après la mémorable exposition du Pont Neuf que vous avez faite en France ?

Je me rends bientôt à Rabbah au Maroc et c’est la première exposition en Afrique, en dehors de Dakar. J’en suis ravi d’autant plus que des étudiants m’interpellent chaque fois en me rappelant que tout ce que je fais est destiné à l’extérieur. Malheureusement, en Afrique, la plupart de nos gouvernements ne sont pas intéressés par l’art. Ils ne veulent pas faire de sacrifice. Après le Maroc, j’irai en Afrique du sud. On ne peut plus dire que je ne m’intéresse pas à l’Afrique .

 

Olivier YRO

(Côte d’Ivoire)

                 

 

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