Credit p Zacharie Ngnoque

Credit p Zacharie Ngnoque

UN INSTANT DÉCISIF

L’heure rouge correspond pour l’Humain à ce que le photographe Henri Cartier-Bresson a nommé «l’instant décisif ». C’est le moment charnière, le carrefour entre le passé et l’avenir que nous nommons le présent. Il doit être exploité dans toute sa totalité, comme nous le rappelle le philosophe Maurice Merleau-Ponty : « Le temps demeure le même parce que le passé est un ancien avenir et un présent récent, le présent un passé prochain et un avenir récent, l’avenir enfin un présent et même un passé à venir, c’est-à-dire parce que chaque dimension du temps est traitée ou visée comme autre chose qu’elle-même, c’est-à-dire, enfin, parce que il y a au cœur du temps un regard (…) »[1]

C’est ce regard particulier, informé, incisif et qui comprend toutes les dimensions du temps que cette treizième édition de la Biennale de Dakar va mettre en scène, sous la double tutelle d’Aimé Césaire (auquel j’ai emprunté l’heure rouge) et de Frantz Fanon qui évoqua, parlant des peuples d’Afrique et d’ailleurs, une Nouvelle Humanité. Le thème général de cette édition de la Biennale de Dakar entre en écho avec celui de l’Exposition internationale qui nous dit les multiples possibles qui nous sont ouverts, pour peu que nous nous décidions à les incarner pleinement.

L’Afrique est une formidable métaphore pour dire le monde. Et Dakar représente le lieu de rendez-vous privilégié pour nouer un dialogue polysémique. Elle nous dit l’Humanité, non seulement dans sa composante africaine, mais également dans sa traduction la plus large, la plus universelle. L’art est, sans doute, le domaine à travers lequel peuvent se dire des choses qui vont bien au-delà des limites imposées par le langage. De l’Asie à l’Amérique, en passant par les Caraïbes et l’Europe, cette treizième édition de Dak’art est là pour confirmer qu’à ce fameux «rendez-vous du donner et du recevoir», l’Afrique ne vient pas les mains vides.

Simon Njami

[1] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945

BIOGRAPHIE SIMON NJAMI, DIRECTEUR ARTISTIQUE

Simon Njami est un écrivain, commissaire d’exposition, essayiste et critique d’art camerounais.

Simon Njami est l’auteur de deux biographies: l’une de l’écrivain noir américain James Baldwin et l’autre de Léopold Sédar Senghor, l’un des pères de la Négritude. Il a écrit plusieurs romans, des nouvelles, des scénarios pour le cinéma et des films documentaires.

Il a cofondé la Revue Noire, magazine consacré à l’art africain contemporain et extra-occidental, et fut professeur invité à l’Université de Californie à San Diego (UCSD).

Après avoir créé le Festival Ethnicolor en 1987, il a conçu de nombreuses expositions et fut l’un des premiers à présenter sur des scènes internationales les œuvres d’artistes africains contemporains. Il a dirigé des Rencontres africaines de la Photographie de Bamako pendant dix ans

Simon Njami est le directeur artistique de la 12ème et de la 13ème édition de Dak’art, la Biennale de Dakar en 2016 et 2018. Il est aussi le curator de l’exposition Afriques Capitales qui s’est tenue à la Villette Paris au printemps 2017 et à la Gare Saint-Sauveur à Lille, d’avril à septembre 2017.

Il a participé à de nombreux jurys et est le secrétaire du jury spécialisé du World Press Photo. Njami est le conseiller artistique de la fondation Sindika Dokolo (Luanda) et le directeur artistique de la fondation Donwahi (Abidjan), et est membre des conseils scientifiques de nombreux musées.

Il dirige AtWork, un projet numérique itinérant réalisé avec la fondation lettera27, en partenariat avec Moleskine (Srl), ainsi que les masterclasses panafricains de photographie, projet qu’il a conçu avec l’Institut Goethe.