«Le Dak’Art offre une visibilité et une opportunité fort intéressantes pour les artistes»
Mouna Jemal Siala est l’une des cinq artistes visuels (quatre femmes et un homme) sélectionnés pour défendre leurs couleurs mais également les couleurs de notre pays à la prochaine biennale de l’art africain contemporain qui se tient à Dakar mais aussi dans d’autres villes sénégalaises du 3 mai au 2 juin 2016. Ce n’est pas la première fois qu’elle participe à cet événement, dont l’autre appellation est le Dak’Art. Elle garde un très bon souvenir de sa première participation et pour cause…
Artiste pluridisciplinaire,Mouna Jemal Siala est titulaire d’une thèse de Doctorat en Arts et Sciences de l’Art de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Depuis 1998, elle enseigne les arts plastiques à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis. Mais cela ne l’empêche pas de récolter plusieurs prix nationaux et internationaux sur notre continent mais également ailleurs.
«(…) j’avais participé au Dak’Art 2010 et remporté le prix du ministre de la Culture, prix que Mme Wade m’avait remis en personne. Je garde un excellent souvenir de cette Biennale qui a constitué l’un des tremplins de ma carrière d’artiste».
Son CV en dit long sur sa foisonnante carrière : participation depuis 1993 à plusieurs expositions de groupe en France, en Allemagne, en Espagne, en Belgique, à Alger, à Genève, à Casablanca, à Kolkata, à Los Angeles, à Bamako, à Dakar.
«Une lourde responsabilité !» Justement Dakar, où se déroulera, du 3 mai au 2 juin 2016, la biennale de l’art africain contemporain (ou Dak’Art), événement pour lequel elle a été sélectionnée avec quatre autres artistes tunisiens. «C’est une joie immense et une grande fierté, mais aussi une lourde responsabilité !», nous a-t-elle déclaré. Une lourde responsabilité puisque lors de sa participation en 2010, elle avait remporté le prix du ministre de la Culture sénégalais.
«Effectivement, nous a-t-elle dit, j’avais participé au Dak’Art 2010 et remporté le prix du ministre de la Culture, prix que Mme Wade [NDLR : l’épouse d’Abdoulaye Wade, président sénégalais de l’époque] m’avait remis en personne. Je garde un excellent souvenir de cette Biennale qui a constitué l’un des tremplins de ma carrière d’artiste. J’en garde même plusieurs. Mais, incontestablement, le meilleur restera celui de la surprise de recevoir un prix si prestigieux. J’ai postulé de nouveau, parce que la Biennale de Dakar reste l’événement majeur d’Art Contemporain sur notre continent. Ses retombées sont particulièrement positives à tous points de vue».
D’ailleurs, entre l’édition de 2010 et celle de 2016, Mouna Jemal Siala a postulé pour les autres sessions «pour les mêmes raisons, car le Dak’Art offre une visibilité et une opportunité fort intéressantes pour les artistes».
Une vie d’artiste bien remplie
Cependant, l’artiste, entre ses deux éditions, n’a pas chômé puisqu’elle a exposé en 2011 au «9e Printemps des Arts de La Marsa». En 2012, elle a participé au premier Arts Fair Tunis et au festival d’Art contemporain « Dream City» (Tunis, Sfax et Marseille). Mouna Jemal Siala a exposé sa vidéo «Le sort» dans le cadre de l’exposition «Bright future-contemporary art from Tunisia» à l’Ifa Berlin, à New York dans le cadre du World Nomads Tunisia à la FIAF, ainsi qu’à Paris et à la Maison Photo de Lille. Elle a participé à l’exposition Cross- Border au ZKM de Karlsruhe en 2013 et en 2014 au «Centenaire de Paul Klee» dans l’exposition d’art contemporain 6×7/11=100 à Tunis, au projet «Bye Bye Bakchich Système» à Sousse et au projet «SOS Borj» à Sfax.
En 2014, retour à Dakar et au Dak’Art pour trois expositions en Off, avant de se plonger dans son projet de deux cent dix-sept photographies citoyennes, intitulé «Non à la division» que l’artiste a présenté en décembre 2014 sous forme d’un livre et d’une exposition photo à l’Espace Art Sadika à Tunis.
«Je rends hommage à ma grand-mère par une projection vidéo de deux images de l’espace Borj, qui se chevauchent en fondu enchaîné et qui montrent la limite infime entre la vie et la mort».
Mouna Jemal Siala a, également, participé à la 28e session des Instants vidéo numériques et poétiques de Marseille ainsi qu’à la résidence photographique du «Projet Kairouan» (voir notre édition du 1er février en page 4 l’article «Le projet Kairouan : A la lumière des photos») en mai 2015. Elle a représenté notre pays dans l’exposition «Lumières de la biennale de l’art africain contemporain 2016, elle répond : «Qu’il soit un nouveau pas en avant dans ma carrière d’artiste».
A l’heure où nous imprimons, l’artiste ne sait pas laquelle(s) de ses oeuvres a (ont) été sélectionnée(s) pour concourir, comme elle nous l’a déclaré : «Comme la sélection se fait à partir de dossier contenant des oeuvres différentes, je ne sais pas, lesquelles vont être choisies. Mais je suppose que ce sera soit une photo installation, soit une vidéo, soit une performance. Personnellement, je n’ai pas de préférence ; l’oeuvre qui sera choisie s’exprimera à ma place».
L’artiste a, donc, présenté trois oeuvres différentes.
La première est une photo installation intitulée «Quand l’espace raconte le temps à Borj Keskes». Voici comme elle décrit cette oeuvre : «Cette installation-photo est une invitation ouverte à visiter, à découvrir l’intérieur intime d’une demeure familiale, particulière à la ville de Sfax. On l’appelle le Borj. Les Borjs de Sfax sont implantés au milieu de grands vergers ‘les Jnens’. Ils ont une architecture typique, adaptée au climat et au mode de vie des gens de la région. Tous les Borjs se ressemblent sur le plan architectural. Les meubles et les objets qu’ils renferment sont quasi identiques. Dès lors, tous ceux qui y qui ont ont vécu, à quelque âge que ce soit, partagent pratiquement les mêmes souvenirs et les mêmes sentiments. (…) A travers la prise de vue photographique, j’ai voulu rendre et revivifier ces instants exquis ; les vestiges et les objets, qui y ont plus ou moins résisté, sont encore là, témoins d’une présence, d’un vécu. Avant qu’ils ne deviennent un patrimoine immatériel, j’ai essayé de les fixer. Il n’y a aucun personnage dans ces photos, mais des objets chargés d’histoire, portant l’âme de toute une génération. Car quand les images racontent les souvenirs, l’absence devient présence».
La seconde oeuvre est une vidéo que l’artiste a intitulé «Hommage à ma grand-mère» : «Je rends hommage à ma grand-mère par une projection vidéo de deux images de l’espace Borj, qui se chevauchent en fondu enchaîné et qui montrent la limite infime entre la vie et la mort. Entre ces deux images, on passe de la présence physique à l’absence-présence. Ainsi, la ‘mémoire’ cette chose impalpable est l’espace-temps de la projection concrète».
La troisième oeuvre est une performance qui s’intitule «Café transparent en catimini contre la corruption» : «C’est une performance qui invite le spectateur à participer à l’oeuvre en toute transparence. L’idée est d’installer une sorte de bureau transparent avec un fauteuil, une table basse et une chaise visiteur, le tout en matière transparente. Dans la transparence la plus totale, j’invite le spectateur à s’installer sur la chaise-directeur pour prendre un café blanc transparent et pour lui faire passer une pièce de monnaie fictive au-dessous de la table et paradoxalement dans la transparence la plus totale. Par cette performance, j’essaie de faire face à l’aspect caché, dissimulé et dérobé de toutes les formes de la corruption. Halte à ces gestes ! Le détournement de ces gestes par l’action artistique est une action ponctuelle de sensibilisation à l’anticorruption».
Zouhour HARBAOUI