Musée Théodore Monod, laboratoire de nouveaux imaginaires
C’est un projet curatorial qui fait sens. Dans son propos, Teg Bët Gëstu Gi attise la vie métamorphique des objets. Le musée, organisme rhizomatique et vivant, y affirme son potentiel de transformation, sa contribution à la métamorphose, au métabolisme, à de nouvelles potentialités. Espace de production de formes, de connaissances, de nouveaux imaginaires, de spéculations pour l’avenir – qui réinterroge son histoire, ses méthodes, ses scénographies, ses usages, son rôle au sein de la cité -, il fait émerger des propositions inédites invitant à réfléchir au devenir des communautés. Cultivant des vitalités et des rencontres, il focalise l’attention sur des naissances. Teg bët gëstu gi – signifie en wolof, voir – ou toucher des yeux – la recherche. Réalisées – pour la plus grande partie d’entre elles – lors de résidences, les œuvres des artistes contemporains invité.e.s (Hervé Youmbi, Ibrahima Thiam, Uriel Orlow, Alioune Diouf, Patrick Bernier/Olive Martin/Ousmane Ka, Vincent Meessen, François Knoetze, Mamadou Khouma Gueye) se combinent aux collections historiques du musée Théodore Monod d’art africain de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire de l’université Cheikh Anta Diop à Dakar. Situées à la lisière de plusieurs mondes, histoires et conflits, ces collections sensibles sont aujourd’hui l’objet de recherches historiques renouvelées et suscitent des débats complexes notamment liés à leur passé colonial, elles deviennent des attracteurs culturels autour desquels se reconfigurent des récits. Avec leurs formes, leurs esthétiques, leurs dispositifs, les œuvres contemporaines de l’exposition contribuent à témoigner de la richesse culturelle et artistique de l’Afrique subsaharienne, interpellent notre relation aux patrimoines africains – parfois fragiles mais toujours vivants, et en mutations. Par des processus d’enquête, d’hybridations, de connexions, de circulations, de contaminations, d’imbrications, d’interdépendances, de spéculations, d’inséparations, de tensions, de frictions, elles génèrent une série de questions au sein de l’espace muséographique ou dans le parc. Installations, sculptures, vidéos, broderies, photographies conversent avec les objets et les archives, reconsidèrent des savoirs anciens (botaniques, médicaux, artisanaux, esthétiques, linguistiques, spirituels, mathématiques,…), révèlent la manifestation de la force que ces objets recèlent sans les enfermer dans un passé afrocentré mais en montrant l’entrelacement et la communauté de sort entre l’Afrique et le monde : les questions africaines renvoient à des questions planétaires.