Argument

Les rencontres-échanges s’inscrivent dans le thème général du Dak’art 2020, « Ĩ NDAFFA /FORGER /OUT OF THE FIRE ». Ĩ NDAFFA, qui s’inspire de I NDAFFAX qui – en langue sérère – invite à la forge. Le terme énonce aussi bien la liberté de transformer que les multiples possibilités de créer. Il a été choisi pour mieux suggérer l’alchimie de la forge et l’action transformatrice qui mène vers une nouvelle étape. Aussi, l’édition 2020 de la biennale de Dakar invite à la transmutation des concepts et à la fondation de nouveaux sens. Forger renvoie à l’acte de transformer quelque chose, le plus souvent du métal et dans plusieurs langues, il avait le sens aujourd’hui tombé dans l’oubli de créer, d’imaginer et d’inventer. Il s’agit donc de construire de nouvelles écritures plastiques, de nouveaux savoirs et savoir-faire qui intègrent aussi bien les lectures africaines du monde que celles des autres aires géographiques et culturelles, aux fins de forger des outils susceptibles de nous aider à relever les défis contemporains ainsi que la construction sans cesse renouvelée d’un sens nous permettant d’appréhender toute la complexité du monde. A cet effet, les trois axes suivant seront explorés lors des rencontres-échanges de la biennale 2020 de Dakar.

  1. Grammaires de la création, gisements de savoirs et discontinuités dans l’art contemporain Africain

Forger de nouvelles méthodes de l’Histoire de l’art    au XXIe siècle, c’est considérer l’immense apport des arts contemporains africains dans l’histoire récente de l’art. C’est reconsidérer les contextes d’émergence du savoir qui les fonde et revisiter les institutions qui les couvent. C’est également considérer l’héritage des savoirs locaux dans l’histoire et l’appréciation des objets esthétiques. Les histoires culturelles africaines n’ont pas suffisamment informé les méthodes utilisées pour appréhender les images crées dans les mêmes contextes. Puiser dans les sources et connaissances africaines, revisiter les formes de savoirs endogènes, s’appesantir sur les représentations du monde au niveau local sont autant de postures qui tout en enrichissant  les approches présentes en font la critique. Il s’agit également de rejeter les discontinuités, de repenser et donc de réorganiser les temporalités traditionnelles liées à l’histoire de l’Art, selon l’histoire africaine, de manière à la concilier avec l’évolution de sa pensée sur le monde.

  1. L’archive et le travail créateur.

Il y a une recherche à approfondir sur les protocoles du travail artistique avec des documents d’archive. Le travail artistique peut aller beaucoup plus loin dans l’élucidation des choses que la recherche académique et ceci est lié au pouvoir de l’image. Cette faculté de l’art de révéler des dimensions de la réalité que la science à de la peine à montrer, tient à plusieurs choses. Les processus, la méthodologie ainsi que les dispositifs mis en œuvre par un artiste sont différents de celui qu’un historien est obligé d’appliquer. La recherche en art peut explorer une palette d’outils plus large et aller au-delà de la frontière permise à l’historien en jouant sur les brèches que seul l’anachronisme peut ouvrir. Par ailleurs, si le scientifique isole et met à distance l’objet, l’artiste explore aussi l’objet de l’intérieur et – à partir de là – élargit les frontières du sens ainsi que sa lecture du réel.

  1. Le corps et le geste

Il s’agit, dans l’art africain contemporain d’analyser le corps dans son rapport à l’acte créateur, comme un prolongement de la pensée au moins pour trois raisons. D’abord, si l’art – en tant que langage et support de connaissance – nous aide à penser, il faut prendre en mesure le geste créateur comme porteur de cette intelligence humaine. Explorer le corps dans sa relation au geste créateur, c’est revenir à la possibilité d’émergence de nouvelles formes de savoirs dans des sociétés où une partie des connaissances est attachée au corps et risque d’être perdue car non pris en compte et refoulée par les savoirs académiques. Ensuite, c’est l’occasion d’accorder une place importante aux performances durant cette biennale. Le geste et le corps – dans la Performance artistique – prolongent aussi une pensée qui estime que l’art africain est une philosophie (Souleymane Bachir Diagne). Enfin, il s’agit de visiter l’interdisciplinarité en art dont le corps sert de matrice et de dénominateur commun. Les arts contemporains du continent sont informés par plusieurs expressions et supports qui s’articulent et montrent la diversité de la recherche que les artistes mettent en œuvre.

Les « Rencontres et Échanges », supervisées par Felwine Sarr, s’engagent autour de ce projet de réflexion avec la contribution d’une dizaine d’experts rattachés à des horizons professionnels et géographiques multiples.